Napoléon disait:
"Les carabiniers et les cuirassiers sont seuls en mesure de créer l'événement par l'action de choc massive et brutale. Les cuirassiers sont plus utiles que toute autre cavalerie [...] Leurs charges sont bonnes également au commencement, au milieu et à la fin d'une bataille [...] sur les flancs d'une infanterie engagée de front [...] ou pour soutenir la cavalerie légère et la cavalerie de ligne."
Des exemples:
En 1805, à Austerlitz, les cuirassiers, par trois charges successives, enfoncèrent et disloquèrent les forces du prince de Liechtenstein (Autriche) avant de contre-attaquer et de culbuter, avec les grenadiers à cheval de la Garde, la grosse cavalerie russe, réputée la meilleure d'Europe.
En 1806, à Iéna, la cavalerie de réserve, commandée par Murat, transforma la retraite des Prussiens en une fuite éperdue...
En 1807, à Eylau, alors que la bataille, entre une armée impériale éloignée de ses bases et un adversaire russe plus nombreux, demeurait indécise, l'Empereur (Murat, nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ?) lança toute sa cavalerie disponible (soit une cinquantaine d'escadrons, dont les cuirassiers d'Hautpoul) dans la boue glacée et la neige fondue en plein brouillard ! La charge, très coûteuse, fut néanmoins irrésistible...
La même année, à Friedland, les cuirassiers de Nansouty, dont certains régiments chargèrent plus de quinze fois ( ! ), causèrent à l'ennemi des pertes terribles...
En 1809, à Eckmühl, chargeant sans relâche jusqu'à la nuit, les cuirassiers mirent l'armée adverse en déroute et la poursuivirent au clair de lune. Napoléon écrivit au ministre de la Guerre : « Les cuirassiers me rendent des services inappréciables. »
La même année, à Essling, la grosse cavalerie française se dépensa sans compter au prix de lourdes pertes. Les cuirassiers de Nansouty et d'Espagne se couvrirent de gloire...
Toujours en 1809, la bataille de Wagram fut gagnée grâce à l'engagement de toute la réserve de cavalerie.
En 1812, en Russie, cette réserve, aux ordres de Murat, comprenait quatre corps composés chacun d'une division légère et de deux divisions de carabiniers, cuirassiers ou dragons, soit environ quarante mille cavaliers qui firent des prodiges d'héroïsme tout au long de cette terrible campagne. Deux exemples. Au début, à Borodino, sur la Moskowa, les grosses cavaleries des deux adversaires se livrèrent un combat acharné : les Russes durent finalement se replier et furent poursuivis jusqu'à Moscou. Au terme de la catastrophique retraite, lors du célèbre passage de la Bérézina, les débris des divisions de cuirassiers tinrent ferme et permirent aux restes de la Grande Armée de franchir les ponts lancés par les sapeurs de la Garde. Malgré leur épuisement et leur dénuement, les cuirassiers (brigade d'Oullembourg, division Doumerc) eurent la discipline d'astiquer casques et cuirasses ! Les cavaliers russes en furent frappés de stupeur... C'est alors que des fantômes amaigris, flottant dans leur cuirasse et chevauchant des haridelles, chargèrent furieusement dans l'éclatement des trompettes : les Russes se débandèrent en laissant plus d'un millier de morts... C'était la dernière charge de la cavalerie impériale en Russie.
En 1813, contre les Autrichiens, Murat et la cavalerie de réserve firent merveille : enfoncée, disloquée, sabrée, cernée ou poursuivie, l'infanterie ennemie perdit cinq mille tués et plus de dix-huit mille prisonniers.
En 1814, sur le territoire national envahi, les deux mille cavaliers de Nansouty battirent souvent un ennemi bien plus nombreux, mieux monté et instruit.
Enfin, en 1815, au cours de la campagne de Belgique, lors de la victoire de Ligny contre les Prussiens, le cheval de Blücher lui-même s'abattit au milieu d'une charge vigoureuse du 9e cuirassiers. Deux jours plus tard, à Waterloo, le même régiment, accompagné du 6e, ramena la cavalerie de la garde anglaise « l'épée dans les reins ». Et, pendant plusieurs heures, dans les pires conditions de terrain (pentes boueuses d'un plateau), près de six mille carabiniers, cuirassiers et dragons, soutenus par près de quatre mille cavaliers de la Garde, se précipitèrent sur les carrés anglais et alliés encore intacts, peu bombardés, bien pourvus en artillerie et organisés en profondeur derrière les chemins creux et les crêtes. Le tir dense et précis des excellents canons et fusils britanniques fit des ravages parmi les cavaliers trop concentrés. Pourtant, à force d'acharnement (certains escadrons chargèrent seize fois !), les carrés ennemis furent ébranlés, pénétrés, pourfendus, amenuisés. Si l'Empereur avait disposé de l'infanterie d'élite qui contenait l'irruption prussienne sur les arrières, l'armée anglaise eût été bel et bien battue... En tout cas, les officiers alliés furent unanimes à souligner la bravoure et l'allant des cuirassiers français qui, sabre à la main, s'élançaient vers la mort surgissant des bouches à feu.