A toute la communauté Histwar : les Grognards bonjour.
Puisque j’ai eu l’honneur d’être cité sur ce forum à plusieurs reprises (je remercie au passage
mon lecteur
) le moins que je puisse faire est d’y intervenir.
Il se trouve que je suis tombé sur le livre de Bernard Coppens par hasard au cours des mes nombreuses pérégrinations électroniques à la recherche de toujours plus d’information sur le sujet de mon TOC principal (j’en ai plein d’autres
) : Waterloo. Depuis 35 ans – j’en ai maintenant 46 - et mon premier ouvrage sur Napoléon, depuis mon premier exposé en 2° sur Waterloo je ne cesse de retourner la campagne de Belgique dans tous les sens : livres, articles, jeux sur cartes, figurines, jeux PC tout y passe. L’occasion d’écrire à mon tour dessus est venue et je ne l’ai pas manquée. Disons que l’occasion d’écrire dans « Champ de Bataille » s’est présentée et le sujet était bien sur tout trouvé (quasiment écrit dans un coin de mon PC pour le plaisir et depuis longtemps).
Bref, « Waterloo : les mensonges révélés » présentaient une nouveauté pour moi : une étude critique. Enfin devrais-je dire car il y a longtemps que ma conviction sur les erreurs de l’Empereur était faite. Mais cela n’a rien enlevé à l’admiration que j’éprouve pour l’immense stratège, le grand bâtisseur et le législateur éclairé.
Ecrire sur un sujet, article ou livre, demande un long et minutieux travail de recoupement des sources. En effet, c’est la première chose que je fais en feuilletant un nouveau livre sur l’Empire (il en sort tant !) : la bibliographie, les notes et surtout les sources originales. Trop se reposent sur les mêmes ancêtres pour que l’on puisse y trouver du nouveau.
Bernard Coppens a su travailler sur des sources non pas tant nouvelles que peu exploitées car contradictoires avec une histoire officielle bien assise ou entre elles. Il a voulu son étude historique comme un exposé scientifique. Un scientifique se doit de conserver du recul par rapport à son sujet et un historien rester objectif le plus possible même si cela est difficile. Malheureusement B. Coppens transpire la haine envers Napoléon, à un point que la lecture de son livre au fond passionnant, en est parfois difficile (surtout pour un admirateur je le concède). L’évocation des accords de Munich dès la page 21 et la comparaison implicite avec Hitler que cela implique marque la suite du livre d’un goût fétide. Mais si j’avoue avoir hésiter à plusieurs reprises à continuer cela en vaut la peine tout de même.
La mauvaise foi n’est pas absente puisque l’auteur ne manque pas de stigmatiser le comportement belliqueux de Napoléon sans rappeler que ce sont les Autrichiens qui ont déclaré la guerre à la France en 1805 et 1809 en envahissant la Bavière son alliée ; qu’en 1806 les Prussiens ont fait la même chose et qu’en 1812 l’armée Russe avait rassemblée 250 000 hommes pour envahir la Prusse, Napoléon la prenant de cours (pour son plus grand malheur). B. Coppens stigmatise le retour de l’Empereur (qui a fait beaucoup de mal à la France c’est vrai) en 1815 sans dire un mot de la chape de plomb que la Sainte Alliance fera peser sur l’Europe jusqu’en 1848 où ses peuples n’en pouvant plus se révolteront quasiment tous. Si les souverains de l’Europe faisaient la guerre à Napoléon c’était plus pour renvoyer dans les frontières nationales les idées révolutionnaires que ses armées véhiculaient chez eux que par souci de la paix européenne. Suis-je objectif ou de mauvaise foi lorsque j’écris ceci ? Et bien tout comme B. Coppens !
Venons-en à la chose militaire. L’auteur rend Napoléon responsable de tout. Ce n’est pas faux car le chef est responsable de la victoire comme de la défaite. Qui songerait à contester que Napoléon a remporté les victoires d’Austerlitz, Iéna, Wagram etc ? Donc il est logique qu’il ait perdu Waterloo. Surtout que rarement une armée a tant reposé sur son chef.
D’ailleurs le livre ne porte pas sur Waterloo mais bien sur « les mensonges de Napoléon » dont le portrait en couverture remplace quelque charge de cuirassiers sur des carrés anglais comme à l’habitude. Les petits chapitres sur Marengo et Trafalgar en sont une preuve supplémentaire. L’auteur reproche à Napoléon d’avoir trafiqué ses mémoires pour se dédouaner de ses erreurs. Il a raison sur le fond. Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de citer d’autres mémoires qui vont sans le sens de sa thèse … difficile de savoir lesquels sont « bons » et lesquels sont « mauvais ». Je dirai que ceux qui en ont bien profité puis craché dans la soupe sont les bons (comme Kellermann). Reconnaissons toutefois que souvent B. Coppens procède à des recoupements de sources pour appuyer ses affirmations.
Je suis gêné lorsque je lis les mots extrêmement durs écrits à l’encontre d’un historien de la valeur d’Henri Houssaye coupable de napoléonolâtrie. Il en est de même pour Thiers qui trouve grâce aux yeux de l’auteur lorsqu’il peut y puiser une confirmation de ses idées.
De la mauvaise fois lorsque Clausewitz est appelé à la rescousse lorsqu’il critique les actions de Napoléon lors de cette campagne mais n’est jamais cité sa fameuse maxime « Nulle activité humaine n’est plus soumise au hasard que la guerre » (de mémoire). Napoléon a eu de la chance lors de ses précédentes campagnes. Elle avait tournée et lui-même le sentait (« Espérons que nous n’aurons pas à regretter d’avoir quitté l’île d’Elbe »).
De la mauvaise fois pour justifier la dispersion des alliés surpris le pantalon sur les chevilles : Wellington et Blücher connaissaient le rassemblement de l’armée du Nord mais s’ils ne se sont pas concentrés pour le choc prévisible c’est qu’ils étaient obligés de maintenir leurs troupes dispersées pour cause de ravitaillement !!! Aberrant alors qu’ils cantonnaient depuis des mois dans un pays riche. De plus, connaissant le tempérament de Napoléon comment n’ont-ils pas cru à une attaque brusquée ?
Des omissions dans l’importance d’une trahison comme celle de de Bourmont qui en informant Blücher de l’entrée en campagne des Français lui a permit de gagner quelques heures précieuses.
Pourtant le livre délivre Ney des nombreuses accusations qui pèsent sur lui et ce de façon convaincante. J’ai l’intention de publier un article sur la campagne dans l’avenir et j’essayerai de mettre en lumière que le Braves des Braves commandait nominalement 2/3 des troupes à Waterloo : I° et II corps, 3° corps de cavalerie. Ce qui lui a donné le sentiment de diriger la bataille. Le déclenchement des Grandes Charges de Cavalerie est vu sous un éclairage nouveau.
Grouchy. S’il a faillit c’est que Napoléon n’avait pas mis l’homme qu’il fallait à la bonne place ! En effet, les choses peuvent être vues ainsi. Mais cela me fait penser à une dernière chose. L’auteur décrit assez longuement comment Napoléon a été surpris par l’arrivée des Prussiens avec pour preuve l’absence totale de reconnaissances sur le flanc droit. Pourquoi ? Parce que ceux-ci étaient complètement battus à Ligny. Mais alors pourquoi avoir confié le 1/3 de l’armée à Grouchy pour les poursuivre ?
En conclusion ce livre n’est pas a recommander à ceux qui n’ont pas déjà une solide culture tant sur Waterloo que sur Napoléon. Si l’on met à part la haine suintant à chaque page nous avons là un ouvrage de référence qui remet en place pas mal de choses et rend la campagne de 1815 lisible.
Christophe GOUNEAU